Problème d'alternance en Afrique: cette brillante analyse d'un proche de Cellou qui interpelle les hommes politiques !

La parole publique est un serment avec l'histoire. C'est un engagement qu'on prend avec la postérité. La décision d'ADO met les détenteurs du pouvoir et ceux qui y aspirent devant un double défi: celui de la cohérence de leurs prises de position, du respect de la parole et celui de leurs discours présentés comme patriotiques et porteurs du fameux "intérêt supérieur de la nation".

Pour l'instant, les guinéens ne pointent que la responsabilité de leurs hommes politiques certainement embêtés à leur prise de rendez-vous avec l'histoire. Quid des présidents occidentaux, comme Macron qui s'était empressé de féliciter Ouattara dans sa décision de ne pas se présenter pour briguer un troisième mandat.

L'exercice et la conquête du pouvoir mettent parfois dans des situations plutôt inconfortables. Aucun homme politique n'aimerait aujourd'hui être dans le pétrin dans lequel ADO vient de les plonger. Parce qu'il s'agit bien d'une véritable merde qui questionne la fidélité à des valeurs que les uns et les autres prétendent défendre.

Cependant, tous ne sont pas interpellés de la même manière. Les chefs d'état proches du rétropédaleur d'Abidjan, les présidents de partis qui semblent plus proches du pouvoir et ceux qu'on peut appeler "petits partis" ne réagiront sûrement pas de la même manière. Il sera compliqué pour les premiers de lâcher un mot de trop, alors qu'il sera plutôt aisé pour les derniers à frapper là où ça fait mal, parce qu'eux d'une certaine façon n'ont pas grand-chose à perdre.

Plus que jamais, c'est un de ces moments où les chargés de communication dégoulinent de fétides sueurs des aisselles jusqu'aux parties intimes. En pareilles circonstances, il s'agit de trouver la parole ni trop, ni trop, les mots justes, les éléments de langage adéquats pour ne pas que le patron se noie pas dans la merde qu'Alassane n'a pas hésité à lâcher. Le peuple les écoute, ce devant les provocateurs de journalistes. Les experts et autres bastringues de la com sont confrontés hic et nunc, à maîtriser notamment la parole médiatique.

C'est le moment où les médias se révèlent emmerdants. Ils ont dans leurs traîtres de disques durs les positions des uns et des autres. Plus que jamais, c'est en ces instants que les adages "il faut remuer sept fois la langue" et "le silence est d'or", prennent du sens, parce que finalement on ne peut être jugé que pour ce qu'on a dit, pas ce qu'on n'a jamais dit.

Mais l'essence de la politique n'est-elle pas de raconter des histoires, au sens propre comme au figuré? L'homme politique n'existe-t-il pas que parce qu'il cause, joue du spectacle, bon ou mauvais, pour mieux gagner les cœurs et les esprits des foules? Lacte politique ne résulte-t-elle pas d'une parole performative, ce que John Searle appelait si justement "les actes du langage"?

En tout état de cause, le discours d'ADO met les hommes politiques devant leurs responsabilités d'assumer ou non leurs paroles publiques. La société qui les taxe de manipulateurs et d'égoïstes a une occasion inespérée de mettre en doute leur projet ou leur accorder leur confiance ne serait-ce que pour le temps de cette actualité qui s'est imposée brutalement.

Mais, ça c'est dans le meilleur des cas. Sinon, l'homme politique sait que l'opinion publique est ce qu'il y a plus instable et le peuple est souvent ce qu'il y a de plus amnésique. Alors, il n'y a pas à se leurrer, parce que, et l'homme, et le peuple, tous ne sont mus que par leur survie et celle-ci dépasse toutes les contingences de valeurs. Nos valeurs et nos principes ne survivent pas à notre propre survie.

Tous, politiques et populations, nous sommes des esclaves enchaînés aux pattes de nos intérêts personnels respectifs. ADO a parlé. Les hommes politiques parleront, certains se dédiront par des circonvolutions verbales, dautres se mureront dans un silence  monocale. Parmi le peuple, ils trouveront certains qui les défendront et d'autres qui les pourfenderont, au gré une fois encore des intérêts égoïstes. À l'arrivée, la terre continuera de tourner. Wa Salam!

Souleymane Thiâ'nguel Bah, conseiller en communication de Cellou dalein Diallo


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